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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", L'Empire chinois a t-il rencontré l'Empire romain ? - Les routes de la Soie (2)

L'Empire chinois a t-il rencontré l'Empire romain ? - Les routes de la Soie (2)

pour relier l'Italie à l'Espagne en traversant notre très chère Gaule, ou encore les « voies

royales » désignant les routes de pouvoir des Perses Achéménides, qu'il convenait

d'emprunter pour toutes opérations militaires ou diplomatiques d'envergures.

On a aussi un certain Isidore de Charax, au Ier siècle avant notre ère, originaire d'une

ville située le long du Tigre fondée par Alexandre le Grand, qui s'occupe de décrire

un itinéraire connu sous le nom de « Stations Parthiques ». Il présente les étapes principales,

ou plutôt officielles, reliant, au sein de l'Empire Parthe, la ville de Zeugma (près

de Nizip, actuelle Turquie) à Alexandropolis (actuelle Kandahar, Afghanistan).

Alexandropolis qui vient d'Alexandre le Grand parce que oui, Alexandre aimait bien

nommer les villes qu'il a fondé avec son nom, ce qui a légèrement compliqué la tâche

aux archéologues pour les identifier ! Bref, sur cet itinéraire, pas de nom de routes.

Rien à propos de la soie ni même d'une voie générale reliant l'Asie centrale

à la Méditerranée.

La table dite de « Peutinger », aujourd'hui conservée à la bibliothèque autrichienne

de Vienne, est une copie du 13ème siècle d'une ancienne carte romaine peinte à Rome

sur le portique de Marcus Vipsanius Agrippa (64 -12 av. J.-C.), ami personnel de l'empereur

Auguste, en l'an 12 de notre ère.

On y trouve une représentation très concrète du cursus publicus, autrement plus connu par

le service de poste impérial qui assurait les échanges administratifs au sein de l'Empire

romain. Et on savait que les romains savaient faire des routes directes pour économiser

du temps de transport ! Ici, ce n'est pas une, mais plusieurs centaines de routes qui

sont nommées, divisées en segments et couvrant un itinéraire complet d'environ 200 000km.

Ça fait beaucoup ! Et tout à droite du rouleau, on trouve le toponyme : Sera Major ou « Métropole

de la Soie », située à proximité d'une mer.

Même là il n'y a donc pas de « Routes de la Soie ». En fait, l'idée même d'une

route unique permettant de relier les deux grands pôles de l'Eurasie n'était tout

simplement pas envisageable pour les populations anciennes. La route de la Soie, c'est une

conception moderne et étonnement on le doit au cercle des géographes allemands du 19ème

siècle, à un moment où les tensions entre la chine à l'occident sont de plus en plus

grandissantes Le « long XIXe siècle » marque un tournant

dans les rapports avec l'Empire Céleste. Dans ce pays comme ailleurs (Egypte, Inde…),

la fin des guerres napoléoniennes attire l'Empire britannique vers l'Est, ce qui

favorise grandement l'ouverture d'accords commerciaux entre les puissances occidentales

et les asiatiques.

En 1842, la Chine et le Royaume-Uni signent les accords commerciaux du « Traité de Nankin

». C'est ce qui marque la fin de la première guerre de l'opium et simplifie énormément

l'accès à ce pays jusqu'alors réservé à quelques-uns. Les concessions britanniques,

notamment Hong-Kong, vont permettre à de nombreux voyageurs occidentaux d'étudier,

de commercer et de s'enrichir en Chine.

Peu à peu, plus de 12 000 européens vivent en Chine sur un territoire partagé par les

russes, les anglais, les français... Ils vivent dans une position sociale élevée,

jouissant de nombreux droits et cette présence forte ne fait qu'amplifier des rapports

par toujours évident entre les deux civilisations. Une sorte de mélange de méfiance et d'incompréhension

qui conduit à des élans de xénophobie de la part des chinois.

Cette tension atteint son maximum avec le pillage par les troupes françaises et anglaises

du Palais d'Eté des empereurs Mandchous (Yuanmingyuan ; 火燒圓), celui-là même

qui, ironiquement, fut en partie édifiée avec l'aide des jésuites français et italiens

au cours du 18ème siècle.

Là, pour les chinois, c'est un peu la goutte d'eau !

C'est dans ce contexte si particulier, qu'en Allemagne, naît le terme de « Seidenstraße

», autrement dit “Route de la soie”. Ce terme, tout le monde pense que c'est

le Baron Ferdinand Von Richthofen (1833-1905) qui en est à l'origine en 1870. Et je dis

bien tout le monde ! On retrouve cette info autant dans les travaux scientifiques (sauf

quelques-uns bien sûr) que dans les grandes vulgarisations.

Mais en fait, et comme toutes choses quand on creuse un peu, non seulement l'appellation

existe plus tôt mais dans un contexte bien particulier.

Un certain Karl Ritter (1779-1859), le père de la Géographie moderne, s'intéresse

avant lui à une micro-histoire humaine des échanges en Asie centrale. Et oui, l'Asie

centrale, c'est à mi-chemin entre l'Occident et l'Asie, une véritable plaque tournante

des relations humaines entre ces deux civilisations depuis la lointaine Antiquité. En 1832, il

fait alors, et sans doute pour une des premières fois de l'histoire de notre monde, emploi

de ce terme, « Routes de la Soie ». Sûrement pour faire référence à la route qu'empruntaient

les marchands le long d'une route terrestre qui reliait la Chine à la mer Caspienne.

Vient ensuite notre cher Baron Ferdinand Von Richthofen, qui sera grandement influencé

par les travaux de Ritter et deviendra à vrai dire, pas l'inventeur, mais bien le

principal propagateur du terme “Route de la Soie” dès les années 1870. Et il faut

qu'on en parle un peu de ce bonhomme ! Né à Carlsruhe, en Pologne, Von Richthofen

est professeur de géologie à l'université de Berlin alors qu'il se rend, entre 1868

et 1872, au Japon, en Indonésie et bien sûr en Chine pour étudier les gisements de charbon

en Asie, une mission financée par la banque de Californie et la banque de Shanghai.

Ses premiers travaux auront d'abord une résonance politique pour l'Allemagne qui

décide d'entreprendre un immense projet : celui de relier Berlin à Xi'an, par l'intermédiaire

d'une voie ferrée commerciale.

Oui, les gars se disent tranquille : Si on reliait l'Europe à la Chine par le train

? Et qui d'autre que Von Richthofen pour faire l'étude géologique des espaces par

lesquels cette future ligne sera construite ! ET bah personne, donc c'est Richthofen

qui s'y colle !

La ligne de train doit alors passer le Gansu (Chine du nord-ouest), le Taklamakan, les

Pamirs, la plaine des futurs Kirghistan, Kazakhstan, la Russie (Moscou), puis l'Europe de l'Est

jusqu'à atteindre Berlin. Il s'agit en réalité d'une ancienne route, abandonnée

quelques siècles après Marco Polo, lorsque les routes maritimes se sont développées

entre l'Espagne, le Portugal et l'Asie dès le 15ème siècle.

Même si cette ligne ne sera finalement jamais construite (sans doute pour des raisons financières

et politiques) - elle le sera dès 2014 dans le cadre de la « Nouvelle Route de la Soie

économique » reliant Duisbourg à Pékin.

En tout cas, piqué de curiosité, Von Richthofen prend de l'intérêt pour l'histoire des

voies que la ligne aurait dû traverser et en particulier l'Asie centrale chinoise

que nous appelons aujourd'hui le « Xinjiang », ou province autonome Ouïghour, située

en Chine du Nord-Ouest. La géographie de cette province est particulière.

Coupée à l'Ouest, au Sud et au Nord, par de hautes chaînes de montagnes, la vie s'organise

autour de cet immense désert du Taklamakan.

C'est joli dit comme ça “Taklamakan”...si on le traduit ça pourrait donner “Point

de non-retour”. Voilà…ça pose l'ambiance !

Des oasis (sortes de cités-états), placées le long des routes nord et sud de ce désert

servaient depuis l'Antiquité d'espaces d'échanges commerciaux et de liaisons entre

le cœur de la Chine et l'Occident. La soie bien sûr était l'une des nombreuses marchandises

qui y transitaient.

Le point de passage le plus délicat était de franchir les obstacles naturels principaux

entre la Chine et l'Asie centrale à savoir la chaine du Kara Korum, le plateau des Pamirs

ou l'Indu Koush. Seules quelques voies de passages sont possibles, et bien sûr très

protégées par les pouvoirs locaux à différentes époques. Achéménides, Macédoniens, Parthes,

Kushans, Sogdiens, Sassanides, Seldjoukides, Kara-Khitan, Mongols, Moghols, Safavides…

ils sont tour à tour au contrôle de ces routes commerciales et sont naturellement

devenus les intermédiaires directs des échanges entre l'Est et l'Ouest, comme cela est

encore le cas de nos jours. Le sujet des « Routes de la Soie » prend

alors de l'ampleur avec les premières études de Von Richthofen qui emploie d'abord le

pluriel « Seidenstraßen » dans les titres, un pluriel qui disparaît en anglais (« Silk

Road »), dès les premières traductions faites en 1878, sans doute pour simplifier

et enjoliver l'expression. Peu à peu, les aventuriers occidentaux et asiatiques voudront

découvrir cette « Asie centrale » pour partir à la quête des trésors cachés qu'ils

restaient à découvrir.

Et autant vous dire qu'à partir des années 1900 c'est un véritable festival de découverte

et de trésors qui sont divulgués au grand public, notamment dans la province du Xinjiang

Sven Hedin (1865-1952), élève Suédois de Von Richthofen, est le premier à engager

une équipe pour l'étude du Lop-Nor, un immense marécage salé. Ses recherches conduisent

à la mise au jour de l'ancienne cité de Loulan, en 1901 au cœur du Taklamakan.

Quelques années plus tard seulement, Sir. Aurel Stein, un explorateur britannique découvre

les fameuses momies du Taklamakan, datant du second millénaire avant notre ère. Fait

incroyable, ces momies attestent de liens indo-européen dans la forme du visage ou

les motifs des vêtements. Et que dire des fameuses grottes de Dunhuang, avec des milliers

de manuscrits chinois, persans, turcs, tibétains, hébraïques découverts dans une grotte et

qui révéleront tant de secrets sur l'histoire des rapports entre l'Est et l'Ouest.

Pour résumer cette longue histoire, « Les Routes de la Soie » n'existaient pas avant

le 19ème siècle. Bien sûr la Soie n'était pas l'unique marchandise prisée par les

élites romaines et d'autres puissances de l'Eurasie mais elle restait un bien très

apprécié et très valorisé dès l'Antiquité comme le sera la porcelaine à l'Epoque

moderne.

Cette expression de “route de la soie”, elle n'est développée que dans le but

de mettre en avant une partie du monde jusqu'alors assez peu étudiée : celle de l'Asie centrale.

Et si on pense d'abord à la Chine quand on dit “Route de la soie”, cette expression

est surtout née pour mettre en avant ce territoire intermédiaire, si riche et complexe dans

son histoire.

Va en découler la construction scientifique d'une étude raisonnée des siècles d'échanges

intervenus entre la Chine et l'Ouest par l'intermédiaire de ces contrées, que nous

associons maintenant aux pays de l'Ex-Union Soviétique (les pays en Stan), le Xinjiang

chinois, et la Mongolie.

Alors on peut dire que la popularisation de cette appellation est plutôt bénéfique

pour la recherche et pour la mise en avant de ces cultures hybrides, qui sont, vous l'avez

vu, imprégnées par beaucoup d'influences extérieures. Il y a d'ailleurs beaucoup

d'expositions passées et futures, en préparation en France et dans le monde dans les prochaines

années, qui seront notamment destinées à les mettre en avant ces routes de la soie

pour repousser notre connaissance, toujours imparfaite, de l'ancien monde.

Et voilà les amis ! C'est la fin de cet épisode préparé avec Arnaud Bertrand, archéologue

spécialisé sur la Chine et ses relations avec l'Occident. Il est d'ailleurs directeur

de l'Association Française des Amis de l'Orient qui organise pas mal de trucs autour

du Moyen-Orient et de l'Extrême Orient. Si vous êtes curieux de l'Histoire de ces

zones géographiques, n'hésitez pas à vous intéresser à leur boulot ! Merci également

au sponso de cette émission, Tianci Media, une agence qui a pour but de faire découvrir

le patrimoine de l'Asie et notamment celui de la Chine. C'est grâce à eux que l'on

va pouvoir cette année faire pas mal d'épisodes sur cette thématique et que plus tard on

pourra peut-être poser nos valises ailleurs ! N'hésitez pas à le partager, inutile

de m'envoyer quelques étoffes de soie, juste un petit clic ça suffit ! Quant à

nous, on se retrouve très bientôt sur la chaîne pour de nouvelles aventures au fin

fond de l'Histoire, Tchao !

L'Empire chinois a t-il rencontré l'Empire romain ? - Les routes de la Soie (2) Trifft das chinesische Reich auf das römische Reich? - Die Seidenstraßen (2) Did the Chinese Empire meet the Roman Empire? - The Silk Roads (2) Ontmoette het Chinese Rijk het Romeinse Rijk - De Zijderoutes (2) O Império Chinês encontrou-se com o Império Romano? - As Estradas da Seda (2)

pour relier l'Italie à l'Espagne en traversant notre très chère Gaule, ou encore les « voies

royales » désignant les routes de pouvoir des Perses Achéménides, qu'il convenait

d'emprunter pour toutes opérations militaires ou diplomatiques d'envergures.

On a aussi un certain Isidore de Charax, au Ier siècle avant notre ère, originaire d'une

ville située le long du Tigre fondée par Alexandre le Grand, qui s'occupe de décrire

un itinéraire connu sous le nom de « Stations Parthiques ». Il présente les étapes principales,

ou plutôt officielles, reliant, au sein de l'Empire Parthe, la ville de Zeugma (près

de Nizip, actuelle Turquie) à Alexandropolis (actuelle Kandahar, Afghanistan).

Alexandropolis qui vient d'Alexandre le Grand parce que oui, Alexandre aimait bien

nommer les villes qu'il a fondé avec son nom, ce qui a légèrement compliqué la tâche

aux archéologues pour les identifier ! Bref, sur cet itinéraire, pas de nom de routes.

Rien à propos de la soie ni même d'une voie générale reliant l'Asie centrale

à la Méditerranée.

La table dite de « Peutinger », aujourd'hui conservée à la bibliothèque autrichienne

de Vienne, est une copie du 13ème siècle d'une ancienne carte romaine peinte à Rome

sur le portique de Marcus Vipsanius Agrippa (64 -12 av. J.-C.), ami personnel de l'empereur

Auguste, en l'an 12 de notre ère.

On y trouve une représentation très concrète du cursus publicus, autrement plus connu par

le service de poste impérial qui assurait les échanges administratifs au sein de l'Empire

romain. Et on savait que les romains savaient faire des routes directes pour économiser

du temps de transport ! Ici, ce n'est pas une, mais plusieurs centaines de routes qui

sont nommées, divisées en segments et couvrant un itinéraire complet d'environ 200 000km.

Ça fait beaucoup ! Et tout à droite du rouleau, on trouve le toponyme : Sera Major ou « Métropole

de la Soie », située à proximité d'une mer.

Même là il n'y a donc pas de « Routes de la Soie ». En fait, l'idée même d'une

route unique permettant de relier les deux grands pôles de l'Eurasie n'était tout

simplement pas envisageable pour les populations anciennes. La route de la Soie, c'est une

conception moderne et étonnement on le doit au cercle des géographes allemands du 19ème

siècle, à un moment où les tensions entre la chine à l'occident sont de plus en plus

grandissantes Le « long XIXe siècle » marque un tournant

dans les rapports avec l'Empire Céleste. Dans ce pays comme ailleurs (Egypte, Inde…),

la fin des guerres napoléoniennes attire l'Empire britannique vers l'Est, ce qui

favorise grandement l'ouverture d'accords commerciaux entre les puissances occidentales

et les asiatiques.

En 1842, la Chine et le Royaume-Uni signent les accords commerciaux du « Traité de Nankin

». C'est ce qui marque la fin de la première guerre de l'opium et simplifie énormément

l'accès à ce pays jusqu'alors réservé à quelques-uns. Les concessions britanniques,

notamment Hong-Kong, vont permettre à de nombreux voyageurs occidentaux d'étudier,

de commercer et de s'enrichir en Chine.

Peu à peu, plus de 12 000 européens vivent en Chine sur un territoire partagé par les

russes, les anglais, les français... Ils vivent dans une position sociale élevée,

jouissant de nombreux droits et cette présence forte ne fait qu'amplifier des rapports

par toujours évident entre les deux civilisations. Une sorte de mélange de méfiance et d'incompréhension

qui conduit à des élans de xénophobie de la part des chinois.

Cette tension atteint son maximum avec le pillage par les troupes françaises et anglaises

du Palais d'Eté des empereurs Mandchous (Yuanmingyuan ; 火燒圓), celui-là même

qui, ironiquement, fut en partie édifiée avec l'aide des jésuites français et italiens

au cours du 18ème siècle.

Là, pour les chinois, c'est un peu la goutte d'eau !

C'est dans ce contexte si particulier, qu'en Allemagne, naît le terme de « Seidenstraße

», autrement dit “Route de la soie”. Ce terme, tout le monde pense que c'est

le Baron Ferdinand Von Richthofen (1833-1905) qui en est à l'origine en 1870. Et je dis

bien tout le monde ! On retrouve cette info autant dans les travaux scientifiques (sauf

quelques-uns bien sûr) que dans les grandes vulgarisations.

Mais en fait, et comme toutes choses quand on creuse un peu, non seulement l'appellation

existe plus tôt mais dans un contexte bien particulier.

Un certain Karl Ritter (1779-1859), le père de la Géographie moderne, s'intéresse

avant lui à une micro-histoire humaine des échanges en Asie centrale. Et oui, l'Asie

centrale, c'est à mi-chemin entre l'Occident et l'Asie, une véritable plaque tournante

des relations humaines entre ces deux civilisations depuis la lointaine Antiquité. En 1832, il

fait alors, et sans doute pour une des premières fois de l'histoire de notre monde, emploi

de ce terme, « Routes de la Soie ». Sûrement pour faire référence à la route qu'empruntaient

les marchands le long d'une route terrestre qui reliait la Chine à la mer Caspienne.

Vient ensuite notre cher Baron Ferdinand Von Richthofen, qui sera grandement influencé

par les travaux de Ritter et deviendra à vrai dire, pas l'inventeur, mais bien le

principal propagateur du terme “Route de la Soie” dès les années 1870. Et il faut

qu'on en parle un peu de ce bonhomme ! Né à Carlsruhe, en Pologne, Von Richthofen

est professeur de géologie à l'université de Berlin alors qu'il se rend, entre 1868

et 1872, au Japon, en Indonésie et bien sûr en Chine pour étudier les gisements de charbon

en Asie, une mission financée par la banque de Californie et la banque de Shanghai.

Ses premiers travaux auront d'abord une résonance politique pour l'Allemagne qui

décide d'entreprendre un immense projet : celui de relier Berlin à Xi'an, par l'intermédiaire

d'une voie ferrée commerciale.

Oui, les gars se disent tranquille : Si on reliait l'Europe à la Chine par le train

? Et qui d'autre que Von Richthofen pour faire l'étude géologique des espaces par

lesquels cette future ligne sera construite ! ET bah personne, donc c'est Richthofen

qui s'y colle !

La ligne de train doit alors passer le Gansu (Chine du nord-ouest), le Taklamakan, les

Pamirs, la plaine des futurs Kirghistan, Kazakhstan, la Russie (Moscou), puis l'Europe de l'Est

jusqu'à atteindre Berlin. Il s'agit en réalité d'une ancienne route, abandonnée

quelques siècles après Marco Polo, lorsque les routes maritimes se sont développées

entre l'Espagne, le Portugal et l'Asie dès le 15ème siècle.

Même si cette ligne ne sera finalement jamais construite (sans doute pour des raisons financières

et politiques) - elle le sera dès 2014 dans le cadre de la « Nouvelle Route de la Soie

économique » reliant Duisbourg à Pékin.

En tout cas, piqué de curiosité, Von Richthofen prend de l'intérêt pour l'histoire des

voies que la ligne aurait dû traverser et en particulier l'Asie centrale chinoise

que nous appelons aujourd'hui le « Xinjiang », ou province autonome Ouïghour, située

en Chine du Nord-Ouest. La géographie de cette province est particulière.

Coupée à l'Ouest, au Sud et au Nord, par de hautes chaînes de montagnes, la vie s'organise

autour de cet immense désert du Taklamakan.

C'est joli dit comme ça “Taklamakan”...si on le traduit ça pourrait donner “Point

de non-retour”. Voilà…ça pose l'ambiance !

Des oasis (sortes de cités-états), placées le long des routes nord et sud de ce désert

servaient depuis l'Antiquité d'espaces d'échanges commerciaux et de liaisons entre

le cœur de la Chine et l'Occident. La soie bien sûr était l'une des nombreuses marchandises

qui y transitaient.

Le point de passage le plus délicat était de franchir les obstacles naturels principaux

entre la Chine et l'Asie centrale à savoir la chaine du Kara Korum, le plateau des Pamirs

ou l'Indu Koush. Seules quelques voies de passages sont possibles, et bien sûr très

protégées par les pouvoirs locaux à différentes époques. Achéménides, Macédoniens, Parthes,

Kushans, Sogdiens, Sassanides, Seldjoukides, Kara-Khitan, Mongols, Moghols, Safavides…

ils sont tour à tour au contrôle de ces routes commerciales et sont naturellement

devenus les intermédiaires directs des échanges entre l'Est et l'Ouest, comme cela est

encore le cas de nos jours. Le sujet des « Routes de la Soie » prend

alors de l'ampleur avec les premières études de Von Richthofen qui emploie d'abord le

pluriel « Seidenstraßen » dans les titres, un pluriel qui disparaît en anglais (« Silk

Road »), dès les premières traductions faites en 1878, sans doute pour simplifier

et enjoliver l'expression. Peu à peu, les aventuriers occidentaux et asiatiques voudront

découvrir cette « Asie centrale » pour partir à la quête des trésors cachés qu'ils

restaient à découvrir.

Et autant vous dire qu'à partir des années 1900 c'est un véritable festival de découverte

et de trésors qui sont divulgués au grand public, notamment dans la province du Xinjiang

Sven Hedin (1865-1952), élève Suédois de Von Richthofen, est le premier à engager

une équipe pour l'étude du Lop-Nor, un immense marécage salé. Ses recherches conduisent

à la mise au jour de l'ancienne cité de Loulan, en 1901 au cœur du Taklamakan.

Quelques années plus tard seulement, Sir. Aurel Stein, un explorateur britannique découvre

les fameuses momies du Taklamakan, datant du second millénaire avant notre ère. Fait

incroyable, ces momies attestent de liens indo-européen dans la forme du visage ou

les motifs des vêtements. Et que dire des fameuses grottes de Dunhuang, avec des milliers

de manuscrits chinois, persans, turcs, tibétains, hébraïques découverts dans une grotte et

qui révéleront tant de secrets sur l'histoire des rapports entre l'Est et l'Ouest.

Pour résumer cette longue histoire, « Les Routes de la Soie » n'existaient pas avant

le 19ème siècle. Bien sûr la Soie n'était pas l'unique marchandise prisée par les

élites romaines et d'autres puissances de l'Eurasie mais elle restait un bien très

apprécié et très valorisé dès l'Antiquité comme le sera la porcelaine à l'Epoque

moderne.

Cette expression de “route de la soie”, elle n'est développée que dans le but

de mettre en avant une partie du monde jusqu'alors assez peu étudiée : celle de l'Asie centrale.

Et si on pense d'abord à la Chine quand on dit “Route de la soie”, cette expression

est surtout née pour mettre en avant ce territoire intermédiaire, si riche et complexe dans

son histoire.

Va en découler la construction scientifique d'une étude raisonnée des siècles d'échanges

intervenus entre la Chine et l'Ouest par l'intermédiaire de ces contrées, que nous

associons maintenant aux pays de l'Ex-Union Soviétique (les pays en Stan), le Xinjiang

chinois, et la Mongolie.

Alors on peut dire que la popularisation de cette appellation est plutôt bénéfique

pour la recherche et pour la mise en avant de ces cultures hybrides, qui sont, vous l'avez

vu, imprégnées par beaucoup d'influences extérieures. Il y a d'ailleurs beaucoup

d'expositions passées et futures, en préparation en France et dans le monde dans les prochaines

années, qui seront notamment destinées à les mettre en avant ces routes de la soie

pour repousser notre connaissance, toujours imparfaite, de l'ancien monde.

Et voilà les amis ! C'est la fin de cet épisode préparé avec Arnaud Bertrand, archéologue

spécialisé sur la Chine et ses relations avec l'Occident. Il est d'ailleurs directeur

de l'Association Française des Amis de l'Orient qui organise pas mal de trucs autour

du Moyen-Orient et de l'Extrême Orient. Si vous êtes curieux de l'Histoire de ces

zones géographiques, n'hésitez pas à vous intéresser à leur boulot ! Merci également

au sponso de cette émission, Tianci Media, une agence qui a pour but de faire découvrir

le patrimoine de l'Asie et notamment celui de la Chine. C'est grâce à eux que l'on

va pouvoir cette année faire pas mal d'épisodes sur cette thématique et que plus tard on

pourra peut-être poser nos valises ailleurs ! N'hésitez pas à le partager, inutile

de m'envoyer quelques étoffes de soie, juste un petit clic ça suffit ! Quant à

nous, on se retrouve très bientôt sur la chaîne pour de nouvelles aventures au fin

fond de l'Histoire, Tchao !